Entre le 17 mars et le 31 août 1944, la ville de Saint-Leu d’Esserent fût l’objet d’un nombre important de bombardements et mitraillages (selon certaines sources, il est fait mention de 18) de la part des 8ème USAAF, 9ème USAAF et de la RAF. Les cibles visées étaient le triage du Petit Thérain, la ligne SNCF Creil-Pontoise, le port, le pont de Laversines, l’écluse, les batteries de la D.C.A allemande et les carrières souterraines qui abritaient les V1.
Les attaques sur le sud de l’Angleterre par les bombes volantes V1, sont des nuisances réelles pour le peuple Britannique. Steve DARLOW, dans son livre « Sledgehammers for tintacks » donne les chiffres suivants concernant les pertes dues aux V1 : 6184 civils tués et 17981 sérieusement blessés, 23000 maisons détruites et des centaines de milliers endommagées. La campagne de bombardement, débutée en 1943 (opération CROSBOW) contre les rampes de lancement a retardé et réduit le nombre de tirs de V1, mais ne l’a pas annihilé.
Le 29 juin 1944, le dépôt de St-Leu devient une cible prioritaire pour le Bomber Command, afin de détruire la source d’alimentation des rampes de lancement (2 autres dépôts sont visés, Nucourt (code NORDPOL), dans le Val d’Oise et Rilly-la-Montagne (code RICHARD), dans la Marne). Les raids menés sur St-Leu et St-Maximin par la R.A.F, entraîneront des pertes considérables parmi les équipages de bombardiers: 54 quadrimoteurs détruits, 264 aviateurs tués, 45 sont faits prisonniers et 62 sont recueillis dans l’Oise et les départements limitrophes.
Depuis la fin de la seconde guerre, de nombreux vétérans de la R.AF. et des familles de disparus sont venus en pèlerinage à Saint Leu d’Esserent.
31 civiles, dont 16 Lupoviciennes et Lupoviciens, ont perdu la vie lors des différents bombardements de l’année 44 sur le territoire de St Leu. On peut ajouter 15 autres tués des communes voisines, St Maximin, Précy-sur-Oise et Lamorlaye du mois d’août 44 lorsque St-Leu était visé. Le tonnage de bombes tombées du ciel en juillet/août 44 est estimé à 9 000 tonnes.
Le premier raid de la R.A.F a lieu sur Saint-Leu en fin de journée le mardi 4 juillet 1944.
17 Lancaster, 1 Mosquito et 1 Mustang du célèbre 617 Squadron de la RAF (les briseurs de barrages) larguent 11 bombes Tallboy. La poussière et la fumée générées par les terribles déflagrations empêchent le largage des 6 autres bombes géantes. Aucun avion n’est perdu.
Le deuxième raid est la suite immédiate du premier, il se déroule dans la nuit du 4 au 5 juillet 1944. 231 Lancaster et 15 Mosquito du 5ème Groupe de la RAF larguent environ 1157 tonnes de bombes explosives et 5 tonnes de bombes incendiaires en 3 vagues entre 01h31 et 01h45 (heure Anglaise). Le bombardement est signalé comme étant précis par la RAF. La commune de Saint-Maximin, bien que non visée, fût durement touchée. 13 Lancaster ne rentrent pas en Angleterre. La RAF déplore 77 tués. Un rapport Allemand intercepté par les Britanniques le 5 juillet, indique que l’entrée de la carrière n’est pas touchée, la route d’accès et la voie de chemin de fer sont détruites, néanmoins réparables en 24 heures. Les pertes humaines s’élèvent à 5 hommes du dépôt portés disparus. Pour les servants de la Flak (D.C.A.), on dénombre 5 tués, 6 blessés ainsi que 6 à 7 disparus.
Le troisième raid a lieu, toujours sur Saint-Leu, dans la nuit du vendredi 7 au samedi 8 juillet 1944. 208 Lancaster et 13 Mosquito du 5ème Groupe bombardent entre 01h16 et 01h30 (heure Anglaise), se délestant , en 3 vagues, venant par le Sud-Ouest, de 1121 tonnes de bombes explosives et de 4 tonnes de bombes incendiaires, 32 avions sont perdus. C’est le bombardement le plus meurtrier pour les habitants de notre ville. 10 personnes vont perdre la vie. De son côté, la RAF déplore 142 tués et 30 prisonniers mais 47 hommes seront sauvés par des particuliers et la Résistance.
Le quatrième raid a lieu dans l’après-midi du mercredi 12 juillet 1944. 168 Halifax, 46 Lancaster et 8 Mosquito des 4ème, 6ème et 8ème Groupes bombardent les carrières de Thiverny. La cible est couverte de nuages, le résultat ne peut être observé. Aucun appareil n’est perdu.
Le cinquième raid vise les carrières de Trossy-Saint Maximin. Dans l’après-midi du mercredi 2 août 1944, 94 Lancaster et 2 Mosquito larguent 650 tonnes de bombes. Tous les appareils retournent à leur base.
Le sixième raid est de nouveau dirigé sur Trossy-Saint Maximin. Il se déroule dans l’après-midi du jeudi 3 août 1944, 191 Lancaster, 40 Halifax et 2 Mosquito larguent 1700 tonnes de bombes. 5 Lancaster sont perdus. La fumée générée par les explosions gêne considérablement la 2ème vague. La ville de Saint-Maximin est sinistrée à plus de 90 %.
La septième attaque composée de 5 Mosquito et de 61 Lancaster bombardent Trossy-Saint Maximin. 2 Lancaster sont détruits.
Le huitième et dernier raid vise à nouveau Saint-Leu d’Esserent. En début d’après-midi du samedi 5 août 1944, une armada initiale de 456 appareils de la RAF (441 prendront part au raid, selon certaines sources), comprenant 60 Lancaster, 196 Halifax et 7 Mosquito, pour la première vague, puis de 189 Lancaster et 6 Mosquito pour la seconde, larguent environ 2193 tonnes de bombes. 1 Halifax s’écrase aux environs du Carrefour des Ripailles, un second Halifax s’écrase lors de son retour en Angleterre. La liste des victimes de notre ville s’allonge puisque 3 personnes perdent la vie lors de cette attaque. Le bombardement du 5 août est le plus important jamais mené sur le département de l’Oise. Gouvieux, Lamorlaye, Creil, mais surtout Précy-sur-Oise (12 tués) ne sont pas épargnés.
Début septembre 1944, après la libération, Saint-Leu d’Esserent est une ville fantôme. Une grande partie des 1600 habitants avait évacué suite aux bombardements. La commune est sinistrée à 85%, dont 45% totalement. Hormis le quartier de la mairie miraculeusement épargné, les habitants ne reconnaissent plus leur ville, ce n’est qu’un spectacle de désolation et de ruines.
L’Eglise, joyau de la cité, a subit de sévères destructions, des années de travaux seront nécessaires à sa remise en état. Le bétail a été décimé. La route Saint-Leu/Creil n’est plus carrossable et cela pour de long mois. Aucun train et aucune péniche ne circulent. Le ravitaillement est très difficile, on manque de tout.
Le 20 octobre 1944, la municipalité demande l’adoption de la commune par une ville anglaise ou américaine :
« En raison des dégâts considérables des bombardements… qui ont atteint 85% des habitants, des monuments historiques tels que l’église, une grande partie des terres cultivables et des champignonnières et qui ont paralysé l’industrie locale par la destruction des principaux établissements industriels (Sucrerie, Petit-Thérain, port de déchargement des bateaux)… »
On peut noter que le 28 décembre 1944 : « Le gaz et l’électricité fonctionnent mais les travaux pour amener l’eau sont en cours. Les moyens de transport manquent pour apporter les baraquements pour les sinistrés. ».
En 1945, Saint-Leu d’Esserent reste pour de longues années meurtri par la guerre. Un grand nombre de sinistrés vivent dans les baraques provisoires ou dans des logements à moitié détruits. Le ravitaillement est insuffisant et se chauffer est difficile.
Le 11 novembre 1948, la Croix de guerre 39/45 avec une citation à l’ordre du régiment est décernée à la ville de Saint- Leu d’Esserent.